Nous faisons actuellement le choix de limiter l'offre de média social sur Numenaute. Cela demande quelques clarifications.

Un média social est un espace public où des inconnus peuvent interagir entre eux. C'est par exemple le cas sur Facebook/Instagram/Twitter/autre, où n'importe qui peut montrer ses fesses plats au monde entier, et recevoir en commentaire des remarques sur la meilleur façon d’assaisonner les spaghettis de la part de gens qui n'auraient rien osé dire s'ils avaient été à table avec nous.

Le terme “média” est plus juste que celui de “réseau”. Le réseau peut se créer via l'usage du média, mais l'usage premier est de créer du contenu, avec une certaine distinction entre le fait de créer, et le fait de suivre. Pour plus de détails, voir les articles de Wikipédia : Média social et Réseau social.

Ces médias sont intéressants pour :

• Rencontrer des gens qu'on n'aurait jamais eu l'occasion de croiser par ailleurs
• Se tenir au courant de l'actualité sur certains domaines spécifiques (travail de veille, en “suivant” les bons comptes)
• Communiquer sur des projets

Certaines personnes jugent aussi que c'est utile pour échanger des nouvelles avec les proches. Malheureusement, la difficulté de paramétrer le niveau de confidentialité sur ces médias, ainsi que le fait qu'ils soient tournés vers de la starification¹⁾ plutôt que de la mise en commun, pose de nombreux soucis dans des échanges qui devraient être de l'ordre de l'intime. Notez que d'autres logiciels peuvent remplir ce besoin d'échanges entre proches sans forcément y inviter toute la planète. Y compris, parfois, certains media sociaux auto-hébergés et soigneusement configurés.

Il y a des médias sociaux centralisés (tout est géré par un seul organisme, qui décide seul des règles s'appliquant sur sa plate-forme), d'autres fédérés/décentralisés (plusieurs instances peuvent communiquer entre elles, mais chaque instance peut avoir des règles différentes). Il y a aussi du logiciel libre et moins libre.

Ces médias amènent plusieurs problèmes dans la façon dont les humains relationnent. Certains de ces problèmes sont voulus “par design” par les plate-formes qui les mettent en place, et malheureusement copiés par les logiciels libres qui ne réfléchissent pas toujours assez à ce design.

Dans les problèmes fréquents :

• Syndrome FOMO : la peur de louper une information importante amène à être rivé en permanence au service, au détriment de relations plus concrètes
• Économie de l'attention : les vrais clients des médias sociaux privés sont les publicitaires. En tant qu'utilisateur, il faut donc que vous restiez le maximum de temps sur la plateforme pour voir le plus de pub possible. Diverses astuces de design sont là pour rester : scroll sans fin, recommandations, etc. La conséquence : trop de temps perdu sur ces médias, ainsi qu'une exposition à beaucoup de messages manipulateurs.
• Appel aux émotions : l'un des ressorts de l'économie de l'attention est l'appel aux émotions. On repartage et on commente plus ce qui nous touche, ce qui éveille nos émotions. Plus ces émotions sont fortes, plus nous nous engageons. Or, les émotions fortes les plus simples à susciter sont souvent des émotions négatives, la colère en premier lieu. Twitter est un exemple parfait de ce design : l'obligation de faire court oblige à simplifier sa pensée, à faire “percutant” au détriment de la réflexion. Puis toute la logique des tendances va pousser à être dans le sensationnel. Résultat : des messages haineux entre gens qui auraient pu s'entendre par ailleurs.

Par ailleurs, la modération sur les médias sociaux est extrêmement complexe, puisque l'objectif est que “tout le monde” puisse participer. Ce qui fait beaucoup de monde, vu le nombre de gens ayant accès à Internet. Ici, les réseaux libres fédérés ne font pas mieux que les réseaux privateurs : il faut des humains pour constater que l'appel au meurtre (par exemple) n'est pas acceptable et modérer les messages, engendrant beaucoup de travail et exposant les modérateurs à des choses vraiment moches par moment. Sans parler de la responsabilité légales des personnes hébergeant les services : si un crime est organisé grâce à vos outils, ça ne va pas être marrant. Et malheureusement, les médias servent aussi à ça, alors (parce ?) que c'est probablement le type de service le plus complexe à surveiller.

Pour ces raisons, nous ne souhaitons pas trop nous engager sur l'hébergement de services de media sociaux. En premier lieu à cause du temps que demande la modération, mais aussi parce que la plupart des outils actuellement disponibles reproduisent les problèmes de design de leurs inspirateurs privés et que nous ne souhaitons pas promouvoir ces modèles.

Ce n'est pas une position absolue : chaque demande est étudiée au cas par cas. Par exemple, nous avons une instance Peertube, qui peut devenir un media social, notamment grâce à la possibilité de commenter les vidéos. Ici, cela nous parait raisonnable à gérer et nous tentons l'aventure, mais au fil des expériences, peut-être que nous restreindrons la possibilité de commenter. Il n'est d'ailleurs pas possible de commenter sur notre instance sans avoir de compte, ce qui est un premier frein pour éviter de gérer “tout le monde”.

Pour nous, les outils sont acceptables s'ils sont utilisés uniquement par les membres de notre communauté. C'est par exemple le cas sur la Soute (Nextcloud) : ce service peut vous servir à partager des infos avec votre famille et vos amis, mais pour pouvoir y déposer du contenu, il faut être membre de l'association. Nous avons donc peu de risque d'y voir des contenus problématiques, puisqu'on se connaît (au moins vaguement), et si cela arrivait, il serait plus facile d'en discuter. La Soute est peut-être un média, mais utilisé uniquement au sein de notre réseau social, donc obéissant à des règles communes, que nous élaborons tous ensemble.

Nous savons aussi que certains d'entre vous (et nous !) aimons papoter sur Diaspora ou Mastodon (services libres) ou même Twitter et autres. Il y a donc un besoin exprimé au sein de notre communauté de pouvoir se brancher sur ces divers médias, malgré tout.

La proposition est donc la suivante :

• Soit nous arrivons à rester “entre nous”, et le service peut être mis en place comme faisant partie de Numenaute. C'est le cas avec Nextcloud.
• Soit nous décidons tous ensemble et à l'unanimité de “tester” (comme c'est le cas pour Peertube), sachant que les règles peuvent évoluer avec le temps.
• Soit, si ces conditions ne sont pas réunis, nous pouvons fournir un espace et de l'aide pour installer une instance, mais la ou les personnes motivées les gèreront en leur nom propre.

Dans le cas où nous vous fournissons une VM pour héberger un media, nous pouvons aussi vous laisser la place sur ce site pour que vous parliez de votre service, qu'il s'agisse de le mettre en avant, de faire des billets de blog, de la documentation, à condition de renvoyer vers cette page et de bien séparer Numenaute de ce qui peut se passer sur le media en question.